Connaissez-vous Li Lu, le Warren Buffett chinois

Je voudrais vous partager ici l’histoire d’un investisseur exceptionnel et pourtant encore trop méconnu : Li Lu, surnommé le « Warren Buffett chinois ». Plus qu’un financier de talent, Li Lu est l’un des rares à avoir gagné la confiance de Charlie Munger, le célèbre associé de Warren Buffett.

Avec une méthode unique et un parcours hors du commun, il a su transformer un investissement de 90 millions en 400 millions de dollars et inspirer des générations d’investisseurs.

💡Au-delà de son parcours fascinant, ce sont surtout les enseignements pratiques que tout investisseur particulier peut tirer de sa méthode – pour son portefeuille et pour sa vie en général – qui retiennent notre attention.

En 2004, Charlie Munger fait un pari unique en 80 ans de vie : il confie près de 90 millions de dollars à Li Lu, un outsider à l’époque de 38 ans. Cette décision audacieuse a porté ses fruits, transformant cet investissement initial en 400 millions de dollars, et témoignant d’une confiance et d’une vision peu communes.

Ce que Munger voyait en Li Lu ne se résume pas aux chiffres, mais à une discipline et une conviction profonde, des qualités riches en leçons pour nous tous.

Un parcours hors du commun

Le parcours de Li Lu ressemble plus à un roman qu’à une carrière d’investisseur classique. Né en Chine en 1966, il traverse des épreuves marquantes, comme le tremblement de terre de Tangshan et la Révolution culturelle. En 1989, il fuit son pays après les événements de Tiananmen et trouve refuge aux États-Unis.

C’est à Columbia, entre les murs d’une université qui a vu passer tant de grands noms de la finance, qu’il découvre sa passion pour l’investissement et fonde Himalaya Capital.

Aujourd’hui, Himalaya Capital gère plus de 14 milliards de dollars, avec un rendement annuel composé de 30 % depuis 1998. Et il ne s’agit pas seulement de chiffres impressionnants, mais d’un travail méthodique fondé sur des principes solides.

Un destin qui, on pourrait dire, aurait difficilement pu être inventé.

L’essence de la philosophie de Li Lu

Li Lu ne se contente pas de reprendre les principes du value investing de ses mentors : il les adapte, il les réinvente pour en faire sa propre méthode. Pour lui, être actionnaire, c’est être propriétaire, avec une vision et un horizon qui dépassent les fluctuations de court terme.

Ses critères sont rigoureux et basés sur des principes intemporels :

  • Marge de sécurité : Comme un garde-fou, ce concept est au cœur de ses choix. Acheter à un prix bas par rapport à la valeur réelle protège contre les erreurs d’appréciation.
  • Qualité de l’entreprise : Li Lu recherche des entreprises avec une forte rentabilité, de solides avantages compétitifs et un business model clair.
  • Management visionnaire : Il mise sur les équipes dirigeantes qui pensent long terme et dont l’intégrité est inattaquable.

C’est cette rigueur et cette fidélité à ses principes qui lui ont permis de réaliser un des coups de maître de sa carrière : son investissement dans Kweichow Moutai.

Kweichow Moutai : Un pari audacieux mais asymétrique

Au début des années 2000, Li Lu repère une opportunité : Kweichow Moutai, un producteur d’alcool chinois emblématique. Il achète l’action alors qu’elle se négocie à seulement quatre fois ses bénéfices.

Cette entreprise est devenue l’une des plus grandes capitalisations boursières en Chine, propulsant Himalaya Capital vers des rendements incroyables. Munger disait de cet investissement que Li Lu avait « rempli le camion », illustrant bien le niveau de conviction nécessaire pour transformer une vision en succès.

Timberland : Quand l’audace paie.

Timberland est un autre investissement emblématique de Li Lu. Il avait acheté le titre aux alentours de 28$ à l’été 1998.

Le titre se payait alors environ 5 fois les bénéfices, du fait notamment de la défiance sur le secteur d’activité à la suite de la crise asiatique, ayant particulièrement impacté Nike.

Pourtant, avec un actif net par action proche des 23$, des parts de marché fortes, une vraie image de marque, un actionnariat familial aligné, le titre ne manquait pas de qualités fondamentales.

Li Lu se rendit compte qu’il était mal valorisé notamment du fait de poursuites judiciaires engagées par des groupes d’actionnaires mécontents que la direction ne donne plus de guidance après avoir en raté plusieurs (dans un environnement incertain c’est pourtant le lot de bien des entreprises !)

Li Lu statua que l’exposition à hauteur de 10% du CA groupe à l’Asie et les poursuites en cours ne pesaient pas bien lourd ramenées à la forte rentabilité des capitaux investis (de l’ordre de 50%) et à la marge opérationnelle tout à fait convenable (de l’ordre de 13%) du groupe.

Il empocha ainsi 7 fois sa mise initiale sur le titre en deux ans, bénéficiant de la croissance des bénéfices du titre ainsi que de la revalorisation de ses multiples.

Quelques autres exemples d’investissements emblématiques

Bien que la majeure partie de son portefeuille soit en Chine, Li Lu a également fait des choix stratégiques aux États-Unis :

  • Micron Technology : À hauteur de 40 % de son portefeuille, cet investissement démontre sa capacité à aller à contre-courant du consensus et surpondérer significativement une position.
  • Bank of America et Meta Platforms : Avec des participations respectives de 24,4 % et 11,1 %, ces entreprises traduisent sa vision pour le secteur financier et technologique américain.
  • Berkshire Hathaway et Alphabet : Reflétant sa passion pour des entreprises aux fondamentaux solides, ces choix témoignent de son admiration pour les business models diversifiés.

Une approche concentrée et une stratégie pragmatique

Dans la lignée des enseignements de Munger, il expliqua que lorsqu’un pari aussi asymétrique se présente et que l’on connait bien son dossier il ne faut pas hésiter à en faire une position majeure de son portefeuille.

Li Lu aime à rappeler en conclusion de ses diverses interventions orales que nous n’avons besoin que d’une petite dizaine de gagnants pour faire de très belles performances sur une vie d’investisseur ! D’où le soin tout particulier qu’il apporte à son process de vente.

Vendre est en effet un exercice périlleux, et céder ses meilleurs compounders peut détruire de la valeur, quand bien même s’échangeraient-ils sur des multiples de valorisation élevés (en valeur absolue, mais pas nécessairement relative).

Il ne faut réfléchir à vendre que lorsque la thèse d’investissement est infirmée ou qu’un titre présente un couple rendement/risque plus avantageux, tout en prenant en compte les frottements fiscaux.

Un héritage en continuité avec celui de Charlie Munger

Si Charlie Munger a vu en Li Lu son héritier intellectuel, c’est parce qu’ils partagent une approche unique de l’investissement, faite de résilience, de patience et d’une grande rigueur.

En lui confiant une part de sa fortune, Munger a vu en Li Lu non seulement un investisseur de talent, mais aussi une personne de confiance.

Auteur/autrice

  • Henri Gilmare

    Henri Gilmare est un entrepreneur français et le fondateur webzine bourseo.fr. Il est un passionné des nouvelles technologies. Henri Gilmare a commencé sa carrière en tant qu'analyste financier en 2005. Il a fondé et dirigé plusieurs entreprises et startups, y compris bourseo.fr. Il a aussi travaillé dans le secteur des médias et des technologies de l'information. Henri est un défenseur de l'innovation et de l'entrepreneuriat. Il est un fervent défenseur de la liberté d'expression et de la créativité. Il souhaite rendre accessible à tous la finance et les investissements.

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