Bourse : le mieux est l’ennemi du bien

Dans le monde de l’investissement et des affaires, la quête de l’excellence est souvent considérée comme la voie royale vers le succès. Pourtant, une idée contre-intuitive gagne du terrain : et si la médiocrité stratégique était en réalité plus payante ?

Cette notion, développée il y a près de 40 ans par Ben Trotsky, un gestionnaire de fonds chez PIMCO, remet en question notre obsession collective pour la performance exceptionnelle. Selon Trotsky, viser constamment le sommet pourrait en réalité être moins profitable que de maintenir une performance régulière dans le peloton de tête.

Dans cet article, nous allons plonger au cœur de ce concept paradoxal. Nous explorerons comment la recherche acharnée de l’excellence peut parfois se retourner contre nous, et pourquoi une approche plus mesurée, visant la constance plutôt que les pics de performance, pourrait s’avérer plus judicieuse sur le long terme.

La philosophie de Ben Trotsky : La médiocrité stratégique

Dans les années 1980, Ben Trotsky, un gestionnaire de fonds visionnaire chez PIMCO, a développé une approche d’investissement qui allait à contre-courant de la pensée dominante : la « médiocrité stratégique ». Cette philosophie, aussi paradoxale qu’elle puisse paraître, repose sur des principes clés qui remettent en question notre obsession de l’excellence à tout prix.

Les principes fondamentaux :

  • Viser le top 30%, pas le top 1% : Trotsky préconisait de chercher à se positionner constamment dans le tiers supérieur des performances, plutôt que de viser la première place chaque année.
  • Privilégier la constance : L’objectif est de maintenir une performance stable et régulière sur le long terme, plutôt que de connaître des pics spectaculaires suivis de chutes brutales.
  • Réduire la prise de risque : En évitant la course effrénée vers le sommet, cette approche permet de limiter les risques excessifs souvent associés à la recherche de l’excellence absolue.
  • Penser long terme : La médiocrité stratégique se concentre sur les résultats à long terme plutôt que sur les victoires à court terme.

Cette approche de Trotsky suggère que la stabilité et la fiabilité peuvent, sur la durée, surpasser les stratégies plus agressives visant l’excellence à tout prix. Elle invite à repenser notre définition du succès en investissement, en valorisant la régularité plutôt que les performances exceptionnelles mais éphémères.

L’étude de Michelle Clayman sur l’excellence des entreprises

Pour mettre à l’épreuve la théorie de Trotsky, Michelle Clayman a mené une étude révélatrice sur les entreprises considérées comme « excellentes ». Cette recherche apporte un éclairage fascinant sur le destin des sociétés perçues comme les meilleures de leur catégorie.

Méthodologie de l’étude :

Clayman a utilisé une approche rigoureuse pour identifier les entreprises « excellentes ». Elle a commencé par examiner les 1000 plus grandes entreprises américaines.

  • Les entreprises devaient répondre à des critères stricts sur une période de 10 ans, notamment :
  • Un rendement des capitaux propres (ROE) supérieur à 20%
  • Une croissance des bénéfices par action d’au moins 10% par an
  • Une croissance du chiffre d’affaires d’au moins 10% par an

Sur les 1000 entreprises, seules 29 ont satisfait à tous ces critères d’excellence.

Suivi des performances :

Après avoir identifié ces entreprises « excellentes », Clayman a suivi leurs performances sur les cinq années suivantes. Les résultats ont été surprenants et ont remis en question de nombreuses idées reçues sur l’excellence en entreprise.

En évaluant la performance de ces entreprises sur la période des 5 années suivantes, Michelle Clayman a constaté que :

  • 86 % ont connu une baisse de leur taux de croissance des actifs,
  • 93 % ont enregistré une baisse de leur taux de croissance des capitaux propres,
  • 83 % ont affiché un retour moyen sur ventes inférieur.

Elle a découvert qu’un portefeuille pondéré de manière égale composé d’entreprises « non excellentes » a rapporté 297 % en 5 ans, contre seulement 181,6 % pour le portefeuille « excellent ».

Cette étude méticuleuse a fourni une base solide pour évaluer la validité du concept de « médiocrité stratégique » de Trotsky et pour examiner les implications à long terme de la poursuite de l’excellence dans le monde des affaires.

Auteur/autrice

  • Henri Gilmare

    Henri Gilmare est un entrepreneur français et le fondateur webzine bourseo.fr. Il est un passionné des nouvelles technologies. Henri Gilmare a commencé sa carrière en tant qu'analyste financier en 2005. Il a fondé et dirigé plusieurs entreprises et startups, y compris bourseo.fr. Il a aussi travaillé dans le secteur des médias et des technologies de l'information. Henri est un défenseur de l'innovation et de l'entrepreneuriat. Il est un fervent défenseur de la liberté d'expression et de la créativité. Il souhaite rendre accessible à tous la finance et les investissements.

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